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L’ordonnance du 13 novembre 2019 bouleverse le paysage du droit des marques

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23 juin 2020
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Aurélie Boulet, avocat à la cour avec le concours de Wissame Ajaouan, juriste
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Transposant la directive du 16 décembre 2015 dite « Paquet Marques », l’ordonnance du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services bouleverse considérablement le paysage du droit des marques tel que nous le connaissons depuis 1991.

Le droit accompagne les grands bouleversements de notre société de manière nécessairement différée.

S’agissant du droit des marques, cette matière s’adapte aux évolutions de notre société pour la première fois depuis 1991 à travers l’ordonnance du 13 novembre 2019 relatives aux marques de produits ou de services (entrée en vigueur le 11 décembre 2019).

Si l’ordonnance est riche de nouveautés, nous nous intéresserons seulement à ses principales dispositions : l’ouverture significative de la notion de marque (1) et le renforcement de la protection des droits des titulaires de marques et de signes distinctifs (2).

  1. L’ouverture de la notion de marque

Nouveauté fondamentale : le code de la propriété intellectuelle n’exige plus que la marque soit “susceptible de représentation graphique”.

L’ordonnance ouvre ainsi la voie à des catégories de marques tout à fait originales et, pour achever d’ouvrir le champ des possibles, elle supprime la liste non exhaustive des signes pouvant constituer une marque.

Désormais, les nouveaux déposants bénéficient d’une offre de dépôts particulièrement large :

  • marque verbale (constituée de chiffres, de lettres, de mots en caractères noirs)
  • marque figurative (constituée d’une combinaison d’éléments verbaux associés à un dessin ou des éléments de couleurs, soit d’un dessin seul sans élément verbal)
  • marque de couleur (couleur ou combinaison de couleurs)
  • marque hologramme (visuel en relief obtenu par un procédé holographique)
  • marque de forme (représentation d’une forme de produit ou de son conditionnement en 3D)
  • marque sonore (son ou combinaison de son)
  • marque de position (caractérisée par la façon spécifique dont elle est placée ou apposée sur le produit)
  • marque de motif (ensemble d’éléments répétés de façon régulière)
  • marque de mouvement (mouvement ou changement de position des éléments de la marque)
  • marque multimédia (combinaison d’images et de sons)

Quid d’une marque olfactive ou gustative ?

Faute de représentation graphique, les signes olfactifs ou gustatifs ne pouvaient pas constituer des marques. Cette exigence étant aujourd’hui abandonnée, il n’y aurait a priori plus d’obstacle au dépôt de cette catégorie de marque.

  1. Le renforcement de la protection des droits des titulaires de marques et de signes distinctifs
  • Les actes préparatoires à la contrefaçon

Depuis plusieurs années, le titulaire de marque dispose d’un arsenal législatif complet et efficace pour combattre les actes de contrefaçon commis contre sa marque.

L’ordonnance renforce encore d’avantage cet arsenal puisqu’elle offre au titulaire de marque la possibilité de poursuivre les actes préparatoires à la contrefaçon tels que l’apposition d’un signe identique ou similaire à la marque sur des conditionnements, des étiquettes ou sur tout autre support.

  • Les droits antérieurs à un dépôt de marque

 Il arrive souvent qu’un signe soit utilisé bien avant qu’il ne soit déposé à titre de marque, ou même sans qu’un dépôt de marque ne soit effectué (ce qui est bien imprudent, admettons-le !).

Cette revendication de droits antérieurs “non déposés” était complètement impossible à faire valoir devant l’INPI où seule une marque pouvait être invoquée à l’appui d’une opposition faite à un dépôt.

L’ordonnance permet au titulaire de droits antérieurs non déposés en tant que marque (dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, nom d’un établissement public de coopération intercommunale, nom d’une entité publique) de s’opposer à l’enregistrement d’une marque qui interviendrait en violation de ses droits.

  • Les procédures en nullité et de déchéance

Avant réservées au tribunal de grande instance (nouvellement tribunal judiciaire), ces procédures doivent impérativement être introduites devant l’INPI à compter du 1er avril 2020.

Cette compétence “administrative” et non plus judiciaire devrait (en théorie) être de nature à accélérer les procédures et à minimiser leurs coûts.

Quid du Brexit ? Suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 1er février 2020, le droit de l’Union continuera de s’appliquer pendant une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020 (cette période pouvant être prorogée pendant 2 ans).

Les marques de l’Union européenne déposées jusqu’à la fin de cette période transitoire offriront non seulement une protection dans tous les 27 pays restant membres de l’Union Européenne, mais elles seront surtout automatiquement transformées en marques nationales britanniques, sans paiement d’une taxe supplémentaire, pour être protégées sur le territoire de nos amis anglais.