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Génération télétravail : à la recherche du point d’équilibre

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29 mars 2022
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Sabine Alix, avocat à la cour
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Le télétravail a été une arme de choix dans la bataille menée contre la COVID 19 depuis maintenant deux ans. Qu’il soit obligatoire ou volontaire, le télétravail interroge quant aux responsabilités de l’employeur dans le cadre de son obligation générale de sécurité où le maître mot consiste dans la recherche du juste équilibre entre des intérêts souvent divergents : sécurité du salarié / respect de sa vie privée, autonomie / flexibilité, vie personnelle et risque de sur-connexion.

Le droit du télétravail repose sur les articles L 1222-9, L 1222-10 et L 1222-11 du Code du travail complétés par deux ANI (accords nationaux interprofessionnels), l’ANI fondateur du 19 juillet 2005 et l’ANI du 26 novembre 2020, qui a vu le jour suite à la crise sanitaire.

Avec la décrue des contaminations, si le télétravail obligatoire n’est plus une figure imposée, ce dispositif restera un outil naturel et récurrent d’exercice par l’employeur de son obligation de sécurité dans un environnement de risque pandémique.

Le télétravail, fort de ses qualités (équilibre vie privée/vie professionnelle, diminution du temps de transport pour le salarié, réduction des besoins de l’entreprise en termes de surface louée…) requiert, en contrepartie, une vigilance accrue de l’employeur s’agissant du suivi des conditions de travail au regard des risques non négligeables pour la santé et sécurité, notamment au plan
psycho-social.

Après un rappel des principes (1), deux risques psycho-sociaux seront ici pointés, ce- lui afférent à l’isolement (2) et celui lié à la sur-connexion (2).

I. La prévention des risques psycho- sociaux : rappel des principes

L’article L.1222-10 du Code du travail dispose que l’employeur reste tenu à l’égard du salarié télétravailleur de ses obligations de droit commun dont l’obligation posée à l’article L4121-1 du même code qui est d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Par ailleurs, selon l’article L.1222-9 du Code du travail « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail. »

L’employeur est ainsi tenu, à l’égard des télétravailleurs, à une obligation de prévention des risques qui passe par leur évaluation. Le résultat de cette évaluation effectuée en concertation avec le CSE, s’il existe, est transcrit dans le document unique d’évaluation des risques (DUER).

Les conditions d’exercice du télétravail peuvent favoriser l’apparition et le développement de
certains facteurs de risques psycho-sociaux en raison notamment de la distanciation sociale et professionnelle.

Ces risques psycho-sociaux peuvent se traduire tout à la fois par un sentiment d’isolement professionnel et social, par du stress lié à la régulation de la charge de travail, et/ou à de la sur-connexion…Là encore, un point d’équilibre est
à trouver de façon à ce que l’autonomie ne se transforme en sentiment de solitude et que la maîtrise des outils de travail à distance ne dérive vers de la sur-connexion.

L’ANI du 26 novembre 2020 préconise à ce sujet que l’évaluation des risques par l’employeur intègre ceux liés à l’éloignement du salarié de la communauté de travail et à la régulation de l’usage des outils numériques.

Dans le cadre du télétravail, l’entreprise, prise en tenaille entre son obligation de sécurité et le respect de la vie privée du salarié, doit trouver le juste équilibre entre ne pas interférer dans la vie personnelle du salarié tout en s’assurant qu’il travaille dans des conditions propices.

Ainsi, cet ANI rappelle que pour le respect des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail, il doit être tenu compte du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maitrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée.

II. Le risque lié à l’isolement

Le télétravail, majoritairement dans sa forme prolongée et permanente, peut engendrer un sentiment d’isolement avec un risque élevé de fragilisation psychologique.

La possibilité de réversibilité du télétravail, instituée par le législateur ainsi que la période d’adaptation prévue par l’ANI du 20 novembre 2020, qui offre la possibilité de tester cette organisation de travail, permettent de prendre en compte notamment le sentiment d’isolement que pourrait ressentir le salarié.

Une obligation additionnelle en matière de prévention a vu le jour, consistant dans l’organisation d’un entretien portant notamment sur les conditions d’activité du salarié en télétravail et sa charge de travail.

La tenue de cet entretien, qui doit être au moins annuel et pourrait se combiner avec ceux requis en matière de forfait jours, constitue une occasion pour le salarié de faire part de son éventuel mal-être.

Il est essentiel de compléter ces dispositifs légaux et réglementaires par la sensibilisation des managers à ce sujet et leur formation à la détection de situations de malaise psychologique. Des actions de formation à l’égard des collaborateurs doivent également être engagées.

III. Le risque lié à la sur-connexion.

Qui dit travail à distance dit usage et potentiellement mésusage des NTIC.

Il appartient à l’employeur, aux termes du Code du travail, de s’assurer de la charge de travail du salarié et de garantir le temps de repos de ce dernier.

Ce contrôle nécessaire de l’employeur s’ac- compagne d’un droit à la déconnexion reconnu au salarié par le code du travail depuis 2016, lequel doit être organisé par accord d’entreprise et à défaut d’accord, par charte élaborée par l’employeur après avis du CSE.

L’ANI du 26 novembre 2020 rappelle que la mise en place du télétravail doit prendre en compte le droit à la déconnexion dans la mesure où ce dernier « a pour objectif le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale du salarié. (…)».

Si de nombreuses entreprises sont aujourd’hui dotées d’accords ou de chartes sur la déconnexion, il importe désormais de les adapter à la situation spécifique du télétravail.

Une attention particulière devra être portée aux cadres en forfait jours en télétravail, dans la mesure où n’est pas tenu un décompte horaire de leurs temps de travail ; L’employeur devra s’assurer que le salarié télétravailleur au forfait jours dispose au minimum de son repos quotidien et hebdomadaire, en partie assuré par la déconnexion effective du salarié.

Cette problématique est d’autant plus cruciale que les conventions de forfait jours ont été malmenées récemment, tant par la Cour de cassation sur l’effectivité du suivi de la charge de travail que par le CEDS (Comité européen des droits sociaux) lequel dans son avis du 10 novembre 2021, a considéré que le dispositif français du forfait jours est en contradiction notamment avec le droit à une durée quotidienne et hebdomadaire de travail raisonnable.