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Affaire du Siècle : l’État reconnu responsable de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique

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3 mars 2021
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Il y a des infractions à la mode, comme des vêtements et des idées. Le blanchiment est aujourd’hui le « must » en matière de délits. Tel homme politique relaxé pour corruption et prise illégale d’intérêt est néanmoins condamné à cinq ans de prison ferme pour blanchiment, et son avocat à trois ans avec sursis pour le même délit (TGI Paris, 32° chambre, 18 octobre 2019, confirmé en appel le 27 mai 2020).

Le délit de blanchiment a évolué pour devenir une infraction attrape-tout.

Dans un premier temps, la convention de Vienne des Nations Unies du 20 décembre 1988 avait posé le principe de lutte contre le blanchiment d’argent provenant du trafic illicite de stupéfiants. Depuis lors, les dispositions internationales et de droit interne se sont multipliées. La directive européenne du 26 octobre 2005 a étendu la lutte contre le blanchiment de capitaux à toute activité criminelle ainsi qu’au financement du terrorisme.

Aujourd’hui, l’article 324-1 du Code Pénal définit le blanchiment comme le fait de faciliter par tout moyen la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. L’infraction est extrêmement large puisqu’il ne s’agit plus seulement d’interdire le blanchiment de l’argent provenant d’infractions graves comme le trafic de stupéfiants ou le terrorisme, mais le blanchiment de tout délit aussi minime soit-il.

Paradoxalement, alors que le délit d’origine peut n’être puni que d’une peine de quelques milliers d’euros d’amende, le blanchiment de la somme provenant du même délit peut être puni de cinq ans d’emprisonnement, voire de dix ans et d’une amende allant jusqu’à 750.000€ s’il est commis dans le cadre de l’exercice d’une profession ou en bande organisée. La peine d’amende peut même être élevée jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels a porté l’opération de blanchiment. Le reste peut également être confisqué.

Alors que, à l’évidence, le texte tendait à viser ceux qui aidaient l’auteur du délit à blanchir son argent sale, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère que le blanchiment est applicable à l’auteur de l’infraction : ainsi un condamné pour travail clandestin et fraude fiscale a également été condamné pour blanchiment des sommes produites par sa propre activité illicite (cass. crim. 14 juin 2004, 03-81.165). Finalement, le seul fait de disposer de l’argent obtenu frauduleusement, autrement qu’en le dilapidant pour des dépenses courantes, devient un acte de blanchiment qui permet de sanctionner l’auteur de l’infraction d’origine (cass.crim, 27 mars 2018, 16-87.855).

La souplesse d’interprétation de la Cour de cassation s’est encore manifestée lorsqu’elle a considéré que pouvaient être mis en examen du chef de blanchiment de capitaux les responsables d’une banque et d’une compagnie d’assurance parce que les sommes investies étaient susceptibles de provenir de fraude fiscale, alors même que cette fraude n’était pas établie et qu’il n’y avait pas de plainte de l’administration fiscale. C’est finalement toute opération d’achat, de placement, d’ouverture de compte bancaire, de virement, de paiement, de prêt ou d’emprunt, qui est susceptible de constituer le délit de blanchiment dès lors que les juges, appliquant la théorie de la connaissance obligée, auront estimé que la personne qui a commis l’acte « ne pouvait pas ignorer » l’origine frauduleuse.

C’est pourquoi cette infraction est particulièrement prisée par les parquets et les juges : il n’est pas nécessaire de définir avec précision l’origine frauduleuse des fonds, de telle sorte que le blanchiment permet de sanctionner un comportement qui apparaît illicite mais qui ne peut être prouvé.

De plus, le blanchiment permet de contourner la prescription de l’infraction originaire.

Certes, cela apparaît moins nécessaire aujourd’hui, depuis la loi du 27 février 2017 qui a étendu le délai de prescription à six ans pour les délits et a codifié et étendu la jurisprudence retardant le point de départ de la prescription pour les infractions clandestines au moment de leur découverte.

Néanmoins, le blanchiment étant, comme le recel, une infraction continue, la prescription ne commence pas à courir tant que la dissimulation, par exemple la détention d’un bien à l’étranger, ne cesse pas.

Une infraction lourdement condamnée, une définition très large du délit, l’absence de nécessité de prouver le délit d’origine, une prescription retardée, ce sont autant atouts qui font de ce délit l’infraction préférée des parquets.