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Les délais de procédure civile à l’épreuve du Coronavirus (mis à jour de l’ordonnance du 15 avril 2020)

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27 avril 2020
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Marine Péchenard, avocat à la cour
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Prise en application de la loi d’urgence du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie Covid 19, l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 a pour objet de préciser les mesures d’aménagement des délais échus pendant la période d’urgence et l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Les dispositions de cette ordonnance sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (art.1).

L’article 2 de ce texte précise que : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

Cet article, qui prévoit un mécanisme de report du terme ou de l’échéance, s’applique notamment aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale (art.2, Ord n°2020-304). Il exclut tout de même de son périmètre certaines matières (délais applicables en matière pénale, procédure pénale, ainsi qu’en matière d’élections régies par le code électoral, ceux encadrant les mesures privatives de liberté etc).

Précisions pratiques 

 1)  l’ordonnance permet de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti : Si une disposition prévoit une prorogation de deux mois pour agir, alors le délai est en réalité prolongé de trois mois à compter de la cessation de l’état d’urgence.

La circulaire n° CIV/01/20 donne un exemple concret : une dette est exigible depuis le 20 mars 2015 ; le délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil devait arriver à expiration le 20 mars 2020. ⇒ Effet de l’article 2 de l’ordonnance : le délai courra encore pendant les deux mois qui suivent la fin du délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence = les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée. Et donc le demandeur pourra agir dans ce délai sans que son action puisse être déclarée irrecevable en raison de la prescription.

2) N’entrent toutefois pas dans le champ de cette mesure :

– les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 : leur terme n’est pas reporté ;

– les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état

  d’urgence sanitaire : ces délais ne sont ni suspendus, ni prorogés.

3) L’article 2 ne vise que les actes « prescrits par la loi ou le règlement », il en résulte que les délais prévus contractuellement ne sont pas concernés. Seul le jeu de certaines clauses est paralysé par l’article 4.

Par ailleurs, l’article 3 de l’ordonnance fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration de la période définie au I de l’article 1er, (entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire) dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps (par ex : mesure de conciliation ou de médiation.)

MISE A JOUR SUITE A L’ORDONNANCE DU 15 AVRIL 2020:

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a instauré un dispositif de report de divers délais et date d’échéance. Elle a défini une période juridiquement protégée qui court à compter du « 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».

Pour rappel, les actes, recours, actions en justice, déclarations (…) qui auraient dû être effectués pendant cette période seront réputés avoir été fait à temps s’ils sont effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

L’ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 a modifié et complété l’ordonnance du 25 mars 2020 :

  • La durée de l’état d’urgence sanitaire a été précisée : elle devrait se terminer le 24 mai 2020 à minuit, de sorte que la « période juridiquement protégée » s’achèverait un mois plus tard, soit le 23 juin à minuit,
  • L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 désigne certaines matières auxquelles les règles de prorogations de délai prévues par le titre Ier de cette ordonnance ne s’appliquent pas. L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 ajoute de nouvelles matières à cette liste d’exclusions.
  • Les délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, mais également les délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits sont exclus des règles de prorogation. Ces derniers s’achèvent, par conséquent, dans les conditions habituelles, même s’ils expirent durant la période juridiquement protégée (ex : délai de rétractation ou de renonciation de 14 jours prévu en matière de contrat d’assurance ou de services bancaires et financiers conclus à distance par un consommateur).
  • Enfin, l’article 3 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a fixé la liste des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration de la période juridiquement protégée (ex : mesure de médiation). L’ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020 précise simplement que cet article ne fait pas obstacle à ce que la juridiction ou l’autorité compétente prenne une mesure d’adaptation différent si les circonstances le justifient (modification ou arrêt de la mesure)

Lien vers l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755644&categorieLien=id

Lien vers la circulaire n° CIV/01/20

http://www.justice.gouv.fr/bo/2020/20200327/JUSC2008608C.pdf