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Exclusion d’un associé en SAS : entre liberté contractuelle et contrôle



25 juin 2025

Article rédigé par Me Morgane Brunaud, avocat, et, Mme Laure Guillon, juriste.

Les clauses d’exclusions dans les SAS sont expressément autorisées par l’article L. 227-16 du Code de commerce qui renvoie aux statuts le soin d’en déterminer les conditions.
L’exclusion obéit donc à la loi des parties comme vient de le rappeler la Cour de cassation par un arrêt du 12 février 2025 (n°23-20.079)(1). La liberté contractuelle est au cœur de l’actualité de ce premier semestre puisque l’ANSA a rendu un avis admettant que l’associé exclu puisse être privé de voter sur son exclusion lorsque la décision est prise par un comité composé de certains associés seulement.
- L’exclusion en SAS : la loi des parties
Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, au nom des droits de la défense de l’associé exclu et de manière assez hardie, la Cour d’appel avait annulé la décision d’exclusion sur la base d’exigences dans le contenu des motifs de la lettre de convocation non prévues par les statuts. La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’ancien article 1134 du Code civil (les conventions légalement formées tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites) au motif que les juges du fond avaient ajouté des conditions non prévues statutairement.
Le juge ne peut ajouter à la loi des parties. Cette loi des parties peut encore permettre, sous certaines conditions, d’évincer l’associé exclu du vote sur son exclusion.
Par principe et en vertu de l’article 1844 du Code civil, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter de sorte que lorsque les statuts subordonnent une mesure d’exclusion d’un associé à une décision collective des associés, ils ne peuvent priver ce dernier du droit de vote sur la décision relative à son exclusion (Cass. com., 23-10-2007, n° 06-16.537). Principe toujours compliqué lorsque l’associé à exclure est majoritaire…
Dans sa communication n° 25-012 du 5 mars 2025, l’ANSA se rallie à la pratique consistant à confier à un autre organe que l’assemblée, la décision d’exclusion. Elle considère en effet qu’il convient de distinguer l’hypothèse selon laquelle la décision d’exclusion relève de la collectivité des associés et celle où elle est confiée à un comité restreint composé de certains associés seulement. Dans ce dernier cas, les statuts peuvent prévoir d’exclure l’associé concerné de la participation au vote.
- Une limite à la liberté contractuelle : les prévisions statutaires minimales, l’intérêt social et l’ordre public
Les conditions de validité des clauses d’exclusion
A l’occasion de l’examen de la constitutionnalité de l’article L. 227-16 du Code de commerce, le Conseil constitutionnel (2) a rappelé indirectement les conditions de validité des clauses d’exclusion qui doivent prévoir :
- la procédure d’exclusion
- les motifs d’exclusion
Depuis la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, dite « Soilihi », l’adoption et la modification des clauses d’exclusion dans les SAS ne nécessite plus nécessairement une décision unanime des associés.
Une liberté des motifs relative
Les motifs stipulés par la clause d’exclusion sont libres pour autant qu’ils soient conformes à l’intérêt social et à l’ordre public. Dans les sociétés où domine l’intuitu personae, il est fréquent que l’exclusion soit prévue même en l’absence de faute de l’intéressé, par exemple en cas de perte des fonctions opérationnelles de l’associé concerné dans la société (3).
Quid des conditions de détermination du prix
Il n’est pas obligatoire mais plutôt recommandé de prévoir dans les statuts les modalités de détermination du prix de cession (à défaut l’article L227-18 du Code de commerce prévoit que ce prix est fixé par accord entre les parties ou, à défaut, déterminé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil).
La mise en œuvre
La mise en œuvre de la clause doit respecter les statuts et ne pas être abusive.
Les vérifications du juge
Les moyens qui peuvent être soulevés dans le cadre du contentieux de l’exclusion seront donc les suivants :
- L’absence de précision, dans la clause d’exclusion, de la procédure d’exclusion et des motifs d’exclusion
- Le non-respect de l’intérêt social et de l’ordre public par les motifs statutaires retenus ;
- Le non-respect de la procédure d’exclusion statutaire lors de la mise en œuvre de la clause d’exclusion ;
- L’inexactitude des motifs allégués ;
- Le caractère abusif de la décision d’exclusion ;
En revanche, l’impossibilité pour l’associé exclu de venir s’expliquer devant l’organe décisionnaire n’est pas une cause d’annulation mais donnera seulement lieu à des dommages et intérêts (4).
(1) A rapprocher des décisions suivantes Cass. Com., 20 mars 2012, n°11-10.855 ; Cass. Com., 14 octobre 2020, n°18-19.181
(2) Décision n° 2022-1029 QPC du 9 décembre 2022
(3) Par exemple du fait de la perte de la qualité de salarié Cass. Com., 20 mars 2012, n°11-10.855
(4) Cass. Com., 13 juillet 2010, n°13-17.807