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Le dépôt des comptes sociaux au tribunal de commerce est une obligation pour la plupart des entreprises. Dans cet article : les sociétés concernées et les sanctions prévues en cas de non-dépôt et un retour sur le loi « Macron » d’avril 2015
L’obligation légale du dépôt des comptes sociaux
Les articles L. 232-21 à L. 232-23 du Code de commerce obligent les dirigeants à déposer au greffe du tribunal de commerce les comptes sociaux de leurs entreprises.
La jurisprudence récente rappelle que le dépôt des comptes sociaux a pour but de transmettre une information fiable et transparente sur l’ensemble des entreprises françaises. La tentation de ne pas divulguer ces résultats peut être très grande quand on sait que n’importe quel concurrent peut avoir accès, à tout moment, à cette information.
- Les entreprises concernées par le dépôt des comptes sociaux
L’obligation de déposer ses comptes sociaux s’impose aux dirigeants de SARL, de sociétés par actions ainsi qu’aux sociétés en nom collectif dont tous les associés indéfiniment responsables sont des SARL ou des sociétés par actions.
- Le cas particulier des micro-entreprises et des PME
Le nouvel article L232-25 du Code de commerce, créé par l’ordonnance du 1er février 2014 et complété par la loi dite « Macron » du 6 août 2015, a donné la faculté aux micro-entreprises (définies par les articles L123-16-1 et D123-100) et aux petites et moyennes entreprises (L123-16 et D123-100) de demander, lors du dépôt de leurs comptes sociaux, que leur compte de résultat ne soit pas rendu public.
Cependant, la confidentialité du compte de résultat ne sera pas opposable aux établissements bancaires, à la justice et à l’administration.
En revanche, le bilan et les annexes ne peuvent pas être secrets.
- Les entreprises exemptées du dépôt des comptes sociaux
Sont dispensées de l’obligation d’établir un rapport de gestion les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions simplifiées dont l’associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance ou la présidence, et qui sont des petites entreprises au sens de l’article L. 123-16.
Cette dispense n’est, cependant, pas applicable aux sociétés appartenant à l’une des catégories définies à l’article L123-6-2 du code de commerce ou dont l’activité consiste à gérer des titres de participations ou des valeurs mobilières (article L232-1 IV du code de commerce).
Les sanctions du non-respect de l’obligation de dépôt
Le non-respect de cette obligation est pénalement sanctionné par une contravention de cinquième classe (1 500 euros puis 3 000 euros en cas de récidive) en vertu des articles R. 247-3 du Code de commerce et 131-13 du Code pénal.
En cas de non dépôt des comptes sociaux, le Code de commerce prévoit, en son article L.611-2, pour le président du tribunal, la faculté, le cas échéant sur demande du président d’un des observatoires mentionnés à l’article L910-1A, d’enjoindre sous astreinte en référé, le dirigeant de toute personne morale de déposer ses comptes.
Cette procédure est une simple faculté offerte au président du tribunal.
En cas de non-respect de l’injonction par le dirigeant défaillant, le président du tribunal peut désigner un mandataire afin qu’il dépose les comptes en lieu et place du dirigeant. De même, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, le Président statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés.
Ainsi, toute personne qui se heurte à l’impossibilité de consulter les comptes d’une société peut saisir la justice. La notion « tout intéressé » étant interprétée très largement : le demandeur peut avoir un intérêt légitime à introduire l’action mais aussi être animé par une simple curiosité (CA Poitiers, 2e ch. Civ., 18 janv. 2011).
Mieux vaut demander une astreinte d’un montant relativement conséquent pour qu’elle conduise le dirigeant défaillant à obtempérer.
En effet, bon nombre de dirigeants de sociétés au capital généreux, préfèrent payer l’amende que déposer leurs comptes pour des raisons de « confidentialité ou de concurrence ».
L’argument du secret des affaires ne vaut pas
Contrairement à l’idée reçue, il n’est pas possible de limiter la publicité de ces comptes qui ont vocation à être consultés par quiconque en exprime le souhait.
Les arguments tenant au secret des affaires, à la divulgation de renseignements essentiels à la vie de son entreprise, à l’existence d’un secteur extrêmement concurrentiel ne sont pas des motifs permettant au dirigeant de s’exonérer de cette obligation qui ne souffre finalement d’aucune exception.
Dans un arrêt du 28 janvier 2009 la haute juridiction a condamné le président directeur général d’une SA qui refusait de déposer les comptes de sa société pour éviter que ses concurrents n’obtiennent des informations sur la santé économique de son entreprise et ainsi sauvegarder le secret des affaires.
Par ailleurs, dans une décision du 1er avril 2011, le Tribunal de police de Valencienne a même jugé que « l’absence de procédure d’injonction de faire ne pouvait être une parade pour le dirigeant défaillant pour tenter de s’exonérer de son obligation légale ainsi que de sa responsabilité pénale ».
Pour certaines entreprises, le risque de la sanction pénale (1500 euros de contravention et 3000 euros en cas de récidive) peut sembler dérisoire comparativement au désagrément que constitue la divulgation de des chiffres dans un contexte économique où le secret des affaires a toute sa place mais… attention au petit curieux (concurrent ou autres) qui peut avoir intérêt à vous faire sortir du bois et vous contraindre à l’abandon de l’adage selon lequel « vivons heureux, vivons caché » !