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RÉFORME DU DROIT DES OBLIGATIONS, LE RETOUR SAISON 2 : LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Matthieu Mazo, avocat à la cour





A quoi ressemblera le projet de loi sur la réforme de la responsabilité civile, présenté en Conseil des Ministres au premier trimestre 2017 ? Les Brèves Juridiques présentent les points les plus attendus de cette réforme.
le dommage réparable,
le lien de causalité,
les causes d’exonération.
Le principe du non cumul entre les deux ordres de responsabilités se trouve ainsi repris, avec une exception pour le dommage corporel.
RÈGLES COMMUNES, EXONÉRATIONS ET RÉPARATIONS
Le futur article 1235 du Code civil définit le préjudice réparable comme « la lésion d’un intérêt licite, patrimonial ou extrapatrimonial, individuel ou collectif » et consacre une conception large du préjudice qui comprendra le préjudice futur (art. 1236), les dépenses exposées pour prévenir le dommage ou son aggravation (art. 1237) et la perte de chance si elle est actuelle et certaine (art. 1238).
Pour les causes d’exonération, la nouveauté réside dans la faute de la victime qui demeure partielle- ment exonératoire sauf en cas de dommage corporel où seule la faute lourde pourra être retenue (art. 1254) alors que la faute de la victime dénuée de discernement n’aura plus d’effet (art. 1255).
Le texte consacre le principe de la réparation intégrale d’origine jurisprudentielle (art. 1258) et dédie une section aux règles particulières à la réparation de certains dommages (dommage corporel, matériel, environnemental, retard dans le paiement d’une somme d’argent…). Le lien de causalité reste en attente d’une définition ultérieure.
L’innovation de l’avant-projet réside également dans le futur article 1266 qui donne au Juge, en cas de « faute lourde délibérée », le pouvoir d’infliger une amende civile en fonction de différents critères (gravité de la faute commise, facultés contributives et profits que l’auteur aura retiré) et un mécanisme de plafonds pouvant aller, pour les personnes morales, jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial (!).
RÈGLES PROPRES À LA RESPONSABILITÉ
EXTRA-CONTRACTUELLE
La partie dédiée aux règles propres à la responsabilité extracontractuelle concerne essentiellement la définition des différents cas de responsabilité et l’imputation du fait d’autrui.
Concernant la responsabilité du fait personnel, le projet confirme le principe général de la responsabilité pour faute (mais la numérotation du fameux article 1382 disparait dans la nouvelle numérotation ! ) ainsi que les responsabilités « objectives » du fait des choses, des troubles anormaux de voisinage, des produits défectueux et du fait des accidents de la circulation ne créant pas d’autre cas de responsabilité sans faute ; ainsi le régime de responsabilité du fait des activités anormalement dangereuses – un temps envisagé – n’est pas retenu.
L’art. 1245 donne par ailleurs une liste limitative des cas de responsabilité du fait d’autrui que sont : le fait du mineur pour lequel répondent les parents, le tuteur ou la personne chargée d’organiser ou de contrôler son mode de vie et le fait du préposé imputé de plein droit au commettant.
L’art. 1248 instaure une responsabilité pour faute présumée à la charge de celui qui assume à titre professionnel une mission de surveillance d’autrui, à moins qu’il démontre n’avoir pas commis de faute (le fameux
« arrêt Blieck » se trouvant désormais codifié).
3 DISPOSITIONS POUR LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE
La partie dédiée à la responsabilité contractuelle compte trois dispositions notables : le futur art. 1250 rappelle le caractère réparateur des dommages et intérêts octroyés uniquement en cas de preuve d’un dommage, la réparation étant limitée à ce qui était raisonnablement prévisible lors de la conclusion du contrat, sauf faute lourde ou intentionnelle (art. 1251) L’art. 1252 prévoit quant à lui que la réparation d’un dommage résultant du retard dans l’exécution doit être précédée d’une mise en demeure.
ATTENDUE PAR LES VICTIMES, LA REFONTE DU DROIT DU DOMMAGE CORPOREL
Grande innovation, le dommage corporel sera désormais réparé sur le fondement des règles de la responsabilité extra-contractuelle, même s’il est causé à l’occasion de l’exécution du contrat. Il s’agissait là de faire échec aux clauses limitatives de responsabilité.
Le projet prévoit également des règles particulières à la réparation du dommage corporel : ainsi, les prédispositions de la victime ne seront plus prises en compte (art. 1268) tandis que le recours subrogatoire des tiers payeurs sera ex- pressement prévu par la loi (art. 1274-1277).
L’avant-projet apporte égale- ment une réelle nouveauté pour améliorer l’indemnisation du dommage corporel avec la mise en place d’un système d’indemnisation légale basée sur une nomenclature non limitative des postes de préjudices qui sera fixée par décret (art. 1269) et s’imposera au juge, ce que les associations de victimes et les praticiens attendaient depuis des décennies.