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Réforme de la procédure civile
Fabrice de Korodi, avocat à la cour,
avec le concours de Wissame Ajaouan, juriste.





Vous reprendrez bien un peu de « procédure civile » pour le dessert ? Alors même que les fêtes de fin d’année viennent juste de s’achever, voilà qu’il faut se familiariser avec une véritable réforme de la procédure civile !
En effet, le décret du 11 décembre 2019 est entré en vigueur au 1er janvier 2020 et la majorité de ses dispositions est applicable aux instances en cours.
Si le décret est riche de nouveautés, nous nous intéresserons à deux points précis : la représentation par avocat obligatoire (1) et l’exécution provisoire (2).
- La représentation par avocat : une obligation quasi-incontournable
Quelles sont les nouveautés ?
- Vive le tribunal judiciaire ! Le paysage judiciaire tel que nous le connaissons depuis le 18ème et le 20ème siècle est bouleversé. Désormais, le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance n’existent plus. Ils fusionnent et deviennent le tribunal judiciaire.
- Traditionnellement, la représentation par avocat était obligatoire pour les procédures écrites, et facultative pour les procédures orales. Désormais, la représentation par avocat est par principe obligatoire, sous peine de nullité.
Elle est tout d’abord obligatoire lorsque le montant de la demande est supérieur 10 000 euros devant le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire, y compris en référé.
Elle est également obligatoire dans certaines matières (expropriation, révision des baux commerciaux, procédure fiscale devant les juridictions civiles, familiale dans la procédure de révision de la prestation compensatoire, de retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de délaissement parental).
Evidemment, le principe est assorti d’exceptions dans les cas prévus par la loi ou le règlement.
Comment calculer ce seuil de 10 000 euros ?
- L’enjeu du litige est déterminé par l’addition de toutes les demandes financières. Ainsi, si l’enjeu du litige est inférieur à 10 000 euros initialement, il peut être supérieur à 10 000 euros suite à une demande incidente en cours de procédure. Il est donc stratégique d’anticiper le renvoi de l’affaire en se faisant représenter par un avocat dès le début de la procédure.
- L’exécution provisoire : lorsque l’exception devient le principe
Quelles sont les nouveautés ?
L’exécution provisoire de droit est désormais le principe.
S’agissant des demandes introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire.
Comme toujours, le principe est assorti d’exceptions tenant à la matière considérée.
L’exécution provisoire de droit n’est pas étendue :
- aux décisions rendues par les conseils de prud’hommes.
- aux décisions par lesquelles le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
Ce principe de l’exécution provisoire est opportun.
De nombreux appels étaient en effet formés afin de gagner du temps ce qui prolongeait d’autant la situation de fait imposée par une des parties au procès.
Par exemple, un cocontractant fautif, reconnu comme tel par le tribunal et condamné à payer une somme d’argent, interjetait appel à seule fin de pérenniser la situation de fait provoquée par lui. Ainsi la volonté du cocontractant fautif prévalait sur l’appréciation d’un tribunal qui s’était contradictoirement prononcé.
L’exécution provisoire de droit met fin à cette situation injuste et encore avec un garde-fou.
En effet, si le juge estime que l’exécution provisoire est incompatible avec la nature de l’affaire, il a la faculté de l’écarter, par décision spécialement motivée.
Lorsque le juge statue en référé, soit lorsqu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, soit lorsqu’il ordonne des mesures conservatoires ou encore accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état, le juge ne peut pas écarter l’exécution provisoire de droit.
Comment puis-je m’opposer à l’exécution provisoire ?
- S’agissant de l’exécution provisoire de droit, le juge qui a rendu la décision (malheureusement) peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
- S’agissant de l’exécution provisoire facultative, lorsqu’elle a été ordonnée, elle ne peut, en cas d’appel, être arrêtée par le premier président que dans les deux cas suivants :
- Elle est interdite par la loi
- Elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives et il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation (nouvelle condition).
La simplification de la procédure, la redéfinition du rôle des acteurs du procès, l’efficacité de l’instance…, voilà une réforme ambitieuse à laquelle les praticiens du droit sont promptement confrontés.