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Le chômage partiel version Covid-19
Hortense de Saint Remy, avocat associé
et Valérie Le Roux, avocat à la cour





Le décret tant attendu sur le chômage partiel a été publié (Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020) et a été complété par l’ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020.
L’occasion de revenir sur ce dispositif et les adaptations apportées en cette période de Coronavirus qui sera applicable jusqu’au 31 décembre 2020.
Ces dispositions confirment la quasi-totalité de mesures annoncées opérées par le Gouvernement.
La nouveauté essentielle réside dans l’alignement des modalités de calcul de cette allocation sur celles applicables pour l’indemnité due aux salariés et supprime ainsi le reste à charge pour l’entreprise, pour les rémunérations inférieures ou égales à 4,5 fois le SMIC.
- La mise en œuvre du chômage partiel est simplifiée
- L’aménagement de la consultation du CSE
Comme cela était prévu dans le dispositif de droit commun du chômage partiel, le CSE doit être consulté (article R.5122-2 du code du travail).
Mais en raison des circonstances particulières et de l’urgence, la demande envoyée à l’administration ne doit pas nécessairement être accompagnée de l’avis du CSE.
En effet, l’avis du CSE peut être recueilli et envoyé a posteriori, à savoir au plus tard dans les deux mois suivant la demande.
- La transmission de la demande par l’employeur à l’administration
La dérogation au délai de transmission de la demande prévue pour les seuls cas de sinistre ou intempéries est applicable au Covid19.
Les employeurs ne sont donc plus dans l’obligation de faire une demande préalablement à la mise en place de ce dispositif puisque désormais, la demande peut être déposée jusqu’à 30 jours à compter du jour où les salariés ont été placés en activité partielle, avec effet rétroactif (article R.5122-3 du code du travail).
Enfin, le délai de réponse de l’administration est ramené de 15 à 2 jours.
Le silence de l’administration vaut toujours acceptation.
- La durée de l’autorisation de chômage partielle est portée à 12 mois
L’’article R.5122-9 du code du travail prévoyait que l’autorisation d’activité partielle pouvait initialement être accordée pour une durée maximum de six mois.
Désormais, elle peut être de 12 mois. La demande peut être renouvelée, mais attention dans ce dernier cas, l’employeur devra prendre des engagements spécifiques en termes de maintien de l’emploi, selon le droit positif préexistant, qui n’a pas été modifié sur ce point par les textes précités (décret et ordonnance).
2. Les cas d’ouverture du dispositif de chômage partiel aux salariés au forfait jours/heures sont étendus (article R.5122-8 du code du travail)
L’article R.5122-8 du code du travail prévoyait deux cas d’exclusion du dispositif de chômage partiel, à savoir l’arrêt de l’activité provoquée par un différend collectif ou la grève, et les salariés au forfait jours ou heures.
En effet, les salariés en forfait jours/heures pouvaient uniquement en bénéficier en cas de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont ils relevaient.
Seul le premier cas d’exclusion demeure.
Par conséquent, les salariés au forfait jours/heures ne sont plus exclus du dispositif et peuvent en bénéficier, même en l’absence de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont ils relèvent.
L’ordonnance du 27 mars 2020 précise que la détermination du nombre d’heures prises en compte pour l’indemnité d’activité partielle et l’allocation d’activité partielle est effectuée en convertissant en heures le temps non travaillé. En l’absence de précision sur cette conversion, un décret étant annoncé sur ce point, nous préconisons la conversion de jours ou demi-journées travaillés respectivement en 7 heures ou 3 heures 30 de travail comme cela était préconisé auparavant en cas de fermeture de l’entreprise.
Dans le cadre de ce dispositif, il faudra veiller à continuer de mettre en place un décompte précis et fiable des journées et demi-journées de travail, et à s’assurer du bon respect de la déconnexion au cours des journées ou demi-journées non travaillées s’agissant des salariés en télétravail.
Ces principes de bon contrôle du temps de travail valent du reste pour tous les salariés en télétravail, et sont particulièrement essentiels en cette période de confinement où la frontière temps de travail/ temps libre est en pratique plus difficile à marquer.
3. L’allocation versée par l’Etat à l’employeur couvre l’intégralité de l’indemnité versée aux salariés, à l’exception des hauts salaires
Auparavant, l’article R.5122-12 prévoyait que le taux horaire de l’allocation d’activité partielle était fixé par décret.
L’article D.5122-13 du code du travail précisait alors que le taux horaire de l’allocation d’activité partielle versée par l’Etat était de :
– 7,74 € pour les entreprises de un à deux cent cinquante salariés ;
– 7,23 € pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés.
Désormais l’article R.5122-12 prévoit que le taux horaire de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur correspond, pour chaque salarié autorisé à être placé en activité partielle, à un pourcentage de la rémunération horaire antérieure brute.
L’article D.5122-13 du code du travail précise désormais que le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est pour chaque salarié concerné de 70 % de la rémunération horaire brute telle que calculée à l’article R. 5122-12 (soit selon la règle du maintien de salaire en matière de congés payés), limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC.
Cela signifie que l’état prend en charge 100% de l’indemnité d’activité partielle versée au salarié lorsque le salaire de référence de ce dernier est inférieur ou égal à 4,5 fois le SMIC, et lorsque l’indemnité d’activité partielle se limite au pourcentage légal de 70 %.
Si le salaire de référence du salarié est supérieur à ce montant de 4,5 fois le SMIC, l’indemnité d’activité partielle versée sur la tranche de salaire dépassant ce plafond restera à charge de l’employeur.
De même si l’employeur verse de son propre chef ou par application de la Convention Collective applicable ou d’un accord d’entreprise une indemnité d’un pourcentage supérieur à 70 %, le surplus restera à sa charge, quel que soit le salaire de référence du salarié concerné.
A noter dans tous les cas qu’un seuil s’applique pour l’indemnité d’activité partielle dont le montant correspond au SMIC net rapporté au temps de travail du salarié concerné. Dans les hypothèses où l’indemnité partielle sera versée par application de ce seuil, elle sera également prise en charge à 100 % par l’Etat.
Un simulateur a été mis à en place sur www.simulateurap.emploi.gouv.fr/.
4. Les règles d’indemnisation des salariés demeurent les mêmes, sauf en ce qui concerne les heures de formation
Ainsi l’employeur doit toujours au salarié une indemnité horaire qui correspond à 70 % de sa rémunération brute servant d’assiette de l’indemnité de congés payés (selon le calcul de maintien de salaire).
Cela correspond à environ 84% du salaire net.
Une nouveauté est apportée par l’ordonnance du 27 mars 2020 puisque désormais, la majoration appliquée lorsque les salariés suivent une formation n’est pas applicable au titre des formations ayant donné lieu à un accord de l’employeur postérieurement à la publication de la présente ordonnance.
Ainsi, ces heures de formation ne donnent pas lieu à une indemnisation par l’employeur à hauteur de 100%.
Elles sont par conséquent indemnisées comme tout autre heure chômée au titre du dispositif d’activité partielle.
5. Les indemnités d’activité partielle bénéficient d’un régime social dérogatoire
Les indemnités d’activité partielle sont exonérées de l’ensemble des cotisations et contributions sociales.
En revanche, elles demeurent soumises à la CSG (6,20 %) et à la CRDS (0,50 %) après abattement pour frais professionnels.
L’indemnité complémentaire versée par l’employeur en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale suit le même régime social, ce qui a été confirmé par l’URSSAF et le Ministère du travail dans son document « Questions-Réponses ».
6. Le contenu du bulletin de salaire est adapté (article R.3243-1 du code du travail)
Il devra indiquer :
– Le nombre d’heures indemnisées
– Le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité mentionnée à l’article R. 5122-18
– Les sommes versées au salarié au titre de la période considérée.
En outre, à l’occasion du paiement de l’allocation d’activité partielle, un document indiquant ces mentions est remis au salarié par l’employeur ou, en cas de paiement direct, par l’agence de services et de paiement (les employeurs peuvent se fonder sur les anciennes dispositions pendant 12 mois s’agissant de cette obligation).
7. Les salariés protégés voient leur protection amoindrie
La jurisprudence était constante sur le sujet et imposait à l’employeur de recueillir l’accord des salariés protégés pour qu’ils soient placés au chômage partiel, rappelant qu’il s’agissait d’une modification de leurs conditions de travail.
Dans un souci de simplification, l’ordonnance du 27 mars 2020 a supprimé cette exigence.
Il semblerait donc que les salariés protégés puissent, à l’instar de leurs collègues non protégés, faire l’objet d’une procédure disciplinaire dans le cas où ils refuseraient leur passage au chômage partiel.
Sur le refus du chômage partiel, et le dispositif de manière générale, il est en tout état de cause conseillé de vous assurer pour les salariés protégés comme pour les autres salariés, que votre convention collective ne prévoit pas de disposition particulière.