Et si votre entreprise était coupable de travail clandestin sans le savoir !

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Et si votre entreprise était coupable de travail clandestin sans le savoir !

Marine Péchenard, avocat à la cour



Ces dernières années, le législateur a multiplié les obligations à respecter dans le but d’éviter le travail dissimulé (obligation d’information, d’injonction etc). Pour ne pas supporter les conséquences d’un tel délit, le donneur d’ordre est désormais soumis à des vérifications strictes lui permettant de s’assurer que son cocontractant exerce en toute régularité. Le point sur l’obligation de vérification.

L’obligation de vérification pèse sur toute personne qui conclut un contrat en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de service ou de l’accomplissement d’un acte de commerce et dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum de 5.000 euros HT (art. L8222-1 et R8222-1 C.trav.). La jurisprudence veille à ce que les contractants ne « saucissonnent » pas leurs relations en plusieurs contrats afin d’échapper à cette obligation. Le donneur d’ordre doit vérifier, au moment de la conclusion du contrat puis tous les six mois, que son cocontractant : – ne se livre à aucune dissimulation d’activité ni à aucune dissimulation d’emplois salariés, c’est-à-dire qu’il s’acquitte des formalités prévues aux articles L8221-3 et L8221-5 du Code du Travail (art. L8222-11 C.trav.), – est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement des cotisations auprès de certains organismes de recouvrement (Ursaff, Caf, etc) (art. L243-15 C.sec.soc.) L’obligation de vérification est présumée remplie dès lors que le donneur d’ordre se fait remettre un certains nombres de documents qui diffèrent selon que le débiteur agit à titre professionnel ou personnel et si le cocontractant est établi en France ou à l’étranger.

Si le cocontractant est établi en France

La personne qui contracte, en qualité de professionnel, doit se faire remettre par son cocontractant une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale datant de moins de six mois, dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement (art. D8222-5 C.trav. et L243-15 et D213-15 C.sec.soc). Si le contractant est tenu à une obligation d’immatriculation à un registre, ou lorsqu’il exerce une profession réglementée, il devra également fournir : un extrait Kbis ou une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers, un devis ou un document publicitaire faisant apparaitre le numéro d’immatriculation, la référence à un agrément ou encore un récépissé de dépôt de déclaration pour les personnes en cours d’immatriculation. En revanche, le particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire, concubin, de ses ascendants ou descendants ne devra se faire remettre qu’un seul des documents mentionnés par l’article D8222-5 précité (art. L8222-1 2° et D8222-4 C.trav.). L’article L243-15 du Code de la sécurité sociale précise aussi qu’il n’aura pas à solliciter auprès de son cocontractant l’attestation de régularité au regard des obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement. Le particulier doit, cependant, vérifier la crédibilité du document.

Lorsque le cocontractant est établi à l’étranger

Le donneur d’ordre doit vérifier que son cocontractant est en régularité au regard de la législation du pays avec lequel il est établi (ou domicilié) et qu’il est en règle avec l’exercice de son activité en France (art. L8222-4 C.trav.).

La personne qui contracte en qualité de professionnel avec un cocontractant étranger devra exiger la production des pièces énumérées par l’article D8222-7 du Code du Travail établies ou traduites en Français, notamment :

  • Un document mentionnant le numéro individuel d’identification,
  • Un document attestant de la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement CE du 29 avril 2004 ou d’une convention internationale de sécurité sociale.

Si l’immatriculation du cocontractant à un registre professionnel est obligatoire dans son pays il devra alors remettre l’un des documents suivants :

  • Un document certifiant cette inscription ;
  • Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse et la nature de l’inscription au registre professionnel ;
  • Pour les entreprises en cours de création, un document datant de moins de six mois émanant de l’autorité habilitée à recevoir l’inscription au registre professionnel et attestant de la demande d’immatriculation audit registre.

Ici encore, celui qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, son partenaire, son concubin, ses ascendants ou descendants est considéré comme ayant procédé aux vérifications s’il s’est fait remettre par son cocontractant l’un des documents énoncés à l’article D8222-7 précité.

Les sanctions

Le non-respect de l’obligation de vérification peut :

  • constituer le délit de travail dissimulé : la jurisprudence considère que celui qui recourt sciemment aux services de celui qui exerce un travail dissimulé se rend coupable de ce délit,
  • engendrer une solidarité financière du donneur d’ordre vis-à-vis du sous-traitant concernant le paiement des impôts, taxes, cotisations et rémunérations éludées (art. L8222-2 C.trav.)

Les sanctions sont lourdes, il convient donc d’être très vigilant sur le respect de l’obligation de vérification !

Date de mise à jour  : 31/01/2018