Covid-19 : les aménagements en matière de durée du travail et de prise des repos

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Covid-19 : les aménagements en matière de durée du travail et de prise des repos

Hortense de Saint Remy, avocat associé
Valérie Le Roux, avocat à la cour



Afin de faire face aux circonstances exceptionnelles et en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance n° 2020-23 du 25 mars 2020 permet à certains employeurs dont l’activité est jugée essentielle de déroger aux dispositions relatives à la durée de travail et au repos (1).

Cette même ordonnance permet en outre aux employeurs, et de manière plus large puisque toutes les activités sont concernées, d’imposer aux salariés la prise de repos (2).

Il est prévu que ces dérogations cessent au 31 décembre 2020.

  1. Mobiliser les secteurs essentiels à la continuité de l’Etat

Les employeurs dont le secteur relève d’une activité qualifiée de particulièrement nécessaire à la sécurité du pays et à la continuité de la vie économique et sociale sont autorisés à déroger aux règles sur la durée légale et le repos des salariés.

Ces activités seront précisées par décret dans les prochains jours mais on pense bien évidemment à certains secteurs essentiels à la bonne marche du pays et qui sont d’ores et déjà fortement mobilisés depuis le début du confinement : les transports, l’agriculture, l’agroalimentaire ou encore les télécommunications.

Les dérogations autorisées par l’ordonnance sont les suivantes.

  • la durée maximale de travail quotidienne peut être portée de 10 à 12 heures,
  • la durée du repos quotidien, qui est en principe de 11 heures consécutives, peut être réduite jusqu’à 9 heures consécutives,
  • la durée hebdomadaire maximale du code du travail peut être portée de 48 à 60 heures,
  •  la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives peut être portée de 44 à 48 heures, (ou sur une période de 12 mois pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1º à 4º de l’article L. 722-1 et aux 2º, 3º et 6º de l’article L. 722-20 du Code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole),
  • la durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de 12 semaines consécutives peut être portée de 40 à 44 heures.

Afin de protéger la santé des travailleurs, le décret à venir précisera en outre pour chacun des secteurs d’activité les catégories de dérogations ci-avant admises.

Toujours dans un souci de simplification de l’activité dans ces secteurs, l’ordonnance impose une simple information du Comité Social et Economique et de la DIRECCTE alors qu’en principe, dans ces domaines, toute dérogation doit faire l’objet d’une consultation.

Le repos dominical est également impacté par le Covid19 puisque dans ces mêmes secteurs, l’employeur est autorisé à y déroger.

Les entreprises qui assurent à ces entreprises des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale pourront également y déroger.

  1. Anticiper la reprise d’activité en imposant la pose de repos

L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 donne à l’employeur la possibilité d’imposer aux salariés la prise de congés et de modifier la date de prise des congés.

Ces dispositions concernent :

  • les congés payés,
  • les journées de RTT acquises dans le cadre d’un accord de réduction du temps de travail, ou les jours de repos conventionnels attribués dans le cadre d’un dispositif d’aménagement du temps de travail au-delà de la semaine,
  • les jours de repos acquis prévus par une convention de forfait annuel en heures ou en jours,
  • les jours de repos placés sur un CET.

Dans les deux cas, l’employeur devra respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc. La période de prise des congés et/jours de repos imposée ou modifiée ne pourra s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

Le nombre total de jours dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date varie en fonction de la nature du repos puisqu’il est limité :

  • à 6 pour les congés payés,
  • à 10 pour les autres jours de repos.

Autre différence importante, la décision de l’employeur d’imposer ou de modifier la prise de congés payés pourra uniquement intervenir en application d’un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche qui déterminera les modalités d’application de cette disposition.

Limite qui vient rendre moins fluide ce dispositif puisque les circonstances actuelles sont peu propices à la négociation et à la conclusion de tels accords, même si la visioconférence ou la conférence téléphonique le permet aujourd’hui.

Par ailleurs, que devient l’article L3141-16 du code du travail qui permettait déjà à l’employeur de modifier sans accord collectif l’ordre et les dates de départ en congés payés déjà posés avant la date prévue du départ, moyennant un délai de prévenance d’un mois sauf circonstances exceptionnelles ?

L’ordonnance ne le précise pas. On déplore donc sur ce point, à moins d’une clarification, que l’ordonnance soit finalement venue imposer un accord d’entreprise pour avancer des congés payés déjà posés, alors qu’auparavant le délai d’un mois pouvait ne pas être respecté pour les avancer en cas de circonstances exceptionnelles, qui sont à l’évidence caractérisées dans le cadre du Covid19…

En revanche au contraire de ce qui est prévu pour les congés payés, la décision de l’employeur d’imposer la prise des jours de repos listés ci-avant n’est quant à elle pas soumise à la négociation d’un tel accord.

Le texte précise néanmoins que l’intérêt de l’entreprise doit le justifier eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid19, précision qui n’est pas inscrite dans l’article relatif à la prise des congés payés…

On comprend donc que l’employeur devra motiver sa décision au regard de ces motifs lors de l’imposition de la prise de jours de repos.

Date de mise à jour  : 07/04/2020